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CHAPITRE 15 – ANIMER UN ATELIER D’INCUBATION MÉDIAS

Les premiers pas

La première étape est de constituer une équipe de personnes très motivées qui va s’investir pour faire naître le projet et le porter. C’est le « noyau dur » de la rédaction. Vous pouvez également rassembler des collaborateurs occasionnels ou réguliers qui prendront en charge les chroniques, les photos, la création de jingles, les micros-trottoirs, les interviews, les réseaux sociaux , la mise en ligne des podcasts, la programmation des invités. Il s’agit ensuite de dresser la liste de toutes les étapes de réalisation de votre média et de répartir les responsabilités en fonction des envies de chacun.e.

 

Définir sa formule, trouver son identité

  • Poser la question des objectifs du média: s’agit-il de contribuer à l’animation de la vie d’un lycée , d’une association ? De favoriser l’expression d’un maximum de jeunes ? D’encourager des débats parmi eux sur la thématique des médias ?
  • Définir sa cible: Les élèves d’un l’établissement ? Les membres d’une association ? L’ensemble d’une communauté ?
  • Se poser la question de la tonalité est également central: Vous souhaitez privilégier l’humour ? La satire ? Une approche fouillée et documentée de sujets de fond ? Un style direct ou plutôt littéraire ?
  • La question du choix du titre (et du logo) doit aussi être prise au sérieux car celui-ci contribuera à le singulariser, à affirmer son identité et participera à la notoriété de votre média.
  • Enfin, il faut évaluer les conditions matérielles liées à votre média en fonction de la périodicité et du rythme de publication. Le nombre de membres de votre équipe, leur investissement et leur disponibilité représentent des facteurs importants ainsi que l’équipement et le budget dont vous disposez.

 

Choisir la recette de votre média

Pour conserver l’intérêt de votre public, mobiliser son attention et stimuler sa curiosité,

il faut veiller à varier les modes de traitement de l’information.

Voici les principaux genres journalistiques qui sont à votre disposition:

Le reportage, l’enquête et l’interview sont des genres majeurs du journalisme.

Le billet, l’éditorial, la brève, la chronique, la critique, le compte rendu, le portrait, le micro-trottoir vous offrent une palette variée qui vous permettra de diversifier votre média.

 

 

Construire son sujet

Définir l’angle

Choisir un sujet n’est qu’une première étape. Vous ne pourrez pas aborder tous les aspects du thème que vous avez choisi. Vous risqueriez d’aboutir à un article trop long, touffu et difficile à lire, bref, de perdre votre public. Il est donc nécessaire de choisir un angle, c’est à dire, un point de vue, de sélectionner les aspects particuliers du sujet que vous voulez mettre en avant et de laisser de côté les autres.

 

Exemple : le podcast est un sujet, la place des femmes dans le podcast natif est un angle.

 

 

Les six questions essentielles

Pour écrire un article, l’étudiant journaliste doit se poser les questions : qui ? quoi ? quand? où ? comment ? pourquoi ?

Créer et faire vivre le média

  • Simuler un Comité de rédaction :
  • Organiser une conférence de rédaction permet d’abord de réunir et présenter les différents acteurs du média mais aussi de déterminer le nom du JT
  • Cela permet ensuite de discuter de la ligne éditoriale, des sujets qui seront traités, des différents angles possibles mais aussi des formats (reportage, interviews, débat, flash info)

L’idéal étant d’organiser ce comité une fois par semaine ou de manière à créer un rendez-vous régulier pour favoriser l’engagement

 

 

Répartir les rôles

Ce sera également l’occasion de :

  • Répartir les rôles des “journalistes” des “experts”, du ou des présentateur.s, des “techniciens” (cadreur, monteur) afin de déterminer qui prend en charge quoi
  • Orienter les activités de chacun.e pour les aider à préparer leur prestation (recherches, questionnaire, reportage, intervention)
  • Former des groupes (binôme, trio) en fonction des envies et compétences de chacun
  • Les jeunes devront créer l’identité visuelle de leur média :
  • Le formateur peut se rendre avec les jeunes sur le site internet “Canva” (https://www.canva.com/) et créer avec eux des supports visuels pour leur blog (logo, bannière, illustration…)
  • Le formateur peut également se référer aux outils proposés par l’application Madmagz, spécialisée dans la création de journaux (papier et en ligne) pour les jeunes : https://madmagz.com/ (voir fiche 17)

 

Diffuser et valoriser une information

Pour rendre visible son contenu sur des sites web comme WordPress, il est important de faire attention aux éléments de valorisation annexes de l’article comme : le titre, le chapô, les photos, les courts extraits qui vont apparaître sur les moteurs de recherche.

 

Ces éléments doivent être accrocheurs pour capter rapidement l’attention et la curiosité du lecteur.

 

Les tags (mots clés relatifs aux thématiques et sujets traités dans l’article) sont également importants car ils permettent un meilleur référencement.

 

Les réseaux sociaux peuvent à la fois être des espaces d’expression et de mise en ligne de contenus, et des espaces de valorisation. Il ne faut pas hésiter à être présent sur plusieurs médias sociaux pour que les contenus soient accessibles au plus grand nombre. Les textes de valorisation doivent être courts et clairs.

 

Quelque soit le média ou les supports (photos, vidéos ou sons), des liens vers d’autres sites sont indispensables.

 

Un article contenant un ou plusieurs de ces éléments est bien plus consulté qu’un article contenant uniquement du texte et ne rendant pas possible l’intéraction avec d’autres espaces.

 

Il faut également être vigilant au niveau du langage qui ne doit être ni trop soutenu ni trop familier.

CHAPITRE 7 – ABORDER L’INFORMATION AVEC UN SENS CRITIQUE

L’esprit critique, un concept au coeur de l’éducation aux médias

Dans le cadre de l’éducation aux médias, la notion d’esprit critique consiste à examiner attentivement les informations disponibles en se documentant à leur sujet et en soumettant ces informations à l’épreuve de la démonstration. Il s’agit d’un regard critique qui refuse les amalgames, les généralisations hâtives, les idées reçues, les préjugés et les énoncés sans preuve. De manière générale, il s’agit d’une capacité à raisonner de manière autonome, rationnelle et consciente. Il s’agit également d’une capacité d’analyse et de compréhension des contenus médiatiques, tenant compte des intentions de leurs auteurs.

 

L’esprit critique repose sur trois principes :

 

  • Le principe d’autonomie : être capable de penser par soi même, indépendamment des gens qui nous entourent, de notre milieu.
  • Le principe introspectif: Il s’agit d’être conscient de nos limites de compréhension des phénomènes, de l’influence de nos biais cognitifs, de nos émotions et des autres sur notre jugement et nos croyances.
  • Le principe d’apprentissage : l’esprit critique s’apprend et s’acquiert à travers l’apport de connaissances et d’interrogations propices à l’éveil intellectuel. Il peut prendre des formes concrètes comme la mise en comparaison d’hypothèses ou la vérification des sources d’une information.

 

Concrètement, appliquer son esprit critique dans l’approche des médias, consiste à s’astreindre aux pratiques suivantes :

 

  • S’informer : prendre le temps de s’informer, de confronter les informations et de comprendre avant de juger, commenter ou partager
  • Évaluer l’information : identifier et vérifier les sources de l’information avant de la valider
  • Distinguer les faits des interprétations : séparer les faits véritables de l’interprétation des événements
  • Confronter les interprétations : prendre connaissance des différentes interprétations que peut susciter une information et accepter cette pluralité
  • Hiérarchiser les interprétations : distinguer par ordre de légitimité les interprétations validées par l’expérience et la recherche, les hypothèses et les opinions liées à nos croyances.

 

La démarche journaliste de vérification de l’information

L’esprit critique est au coeur de la démarche journalistique qui implique de traiter rigoureusement l’information avant de la diffuser. Ainsi le journaliste va mener un travail d’enquête, d’investigation, de confrontation des sources ; Il s’appuie sur l’analyse et la mise en perspective des faits et des explications possibles.

 

La démarche journalistique est d’autant plus essentielle à l’heure de la société numérique, marquée par la prolifération de fausses informations, images et vidéos truquées sur internet.

 

Dans le cadre de l’éducation aux médias, la démarche journalistique de vérification de l’information est vulgarisée et adaptée aux pratiques des jeunes sous la forme d’une liste de bonnes pratiques :

 

  • Vérifier la nature du site où on a consulté l’information. Les onglets “mention légales” ou “à propos” permettent en général d’identifier le type de site que l’on consulte (blog, site humoristique, institutionnel, etc…) ;
  • Remonter à l’origine de l’information. Bien souvent sur internet, les informations sont partagées, diffusées et parfois aussi déformées, décontextualisées ou interprétées. Il est donc important de trouver d’où est issue l’information
  • Regarder la date de publication de l’information. De nos jours, une information est rapidement dépassée ou a souvent été déjà vérifiée ou démentie
  • Vérifier l’identité et la fiabilité de l’auteur de l’information. S’agit-il d’un journaliste ? Est-il spécialiste du sujet qu’il aborde ?
  • Identifier son objectif et ses intentions. Cherche -t-il à nous informer ? Nous manipuler? Nous vendre quelque chose ?
  • Se poser les bonnes questions. Etre curieux, et être capable de remettre en question l’auteur, sans tomber dans la défiance ou la paranoïa.

 

 

L’intérêt de la validation des sources

La Source est à l’origine d’une information, son point de départ, on parle d’ailleurs de “remonter” à la source pour trouver d’où vient une information.

 

La double-vérification de l’information est l’une des règles de base les plus importantes du journalisme. La vitesse croissante de l’information, en partie liée à l’irruption des réseaux sociaux et les pressions économiques sur l’audience bousculent hélas, ce principe.

 

Une source fiable est le plus souvent une personne ou une structure qualifiée (experte ou qui a des connaissances) sur un sujet, délivrant des informations sur ce sujet.

 

Pour gagner en fiabilité et avoir des chances d’être considérée comme correcte, une information doit être trouvée, confirmée par d’autres sources d’information et/ou consultable sur d’autres médias. On dit alors que l’information doit être recoupée pour être vérifiée.

 

Il existe quatre principales types de sources :

 

  • Les sources institutionnelles : autorités publiques, états;
  • Les sources intermédiaires : associations, organisations professionnelles, partis politiques, syndicats;
  • Les sources personnelles : sources discrètes, voire secrètes, dont le journaliste bénéficie à l’intérieur des cercles de pouvoirs et des cercles professionnels;
  • Les sources occasionnelles : sources spontanées, les témoignages proposés ou sollicités au hasard des circonstances, les témoins d’un évènement;

CHAPITRE 6 – MÉDIAS NUMÉRIQUES : RISQUES ET OPPORTUNITÉS

Opportunités et risques d’internet pour les jeunes

Internet et le téléphone portable, au delà de leur caractère divertissant, offrent une nouvelle forme de socialisation, d’échanges et d’accès aux savoirs indispensables pour les enfants et adolescents d’aujourd’hui. Ces nouvelles technologies représentent une formidable opportunité d’amélioration de la qualité de vie des jeunes du monde entier et mettent à portée de clic une quantité de connaissances sans limite dans tous les domaines essentiels de leur existence (éducation, santé, science, culture…). Mais les progrès de l’ère du numérique ne sont pas sans contrepartie. Cette révolution virtuelle a créé des dangers et des des risques, souvent à l’image de ceux du monde réel, auxquels les jeunes connectés doivent faire face.

 

L’UNESCO a identifié et classifié ces risques qui menacent les jeunes en ligne. Il s’agit notamment de l’exposition aux contenus pédophiles, aux discours de haine, aux fausses nouvelles ; Ces risques sont également liés aux publicités inappropriées, aux fraudes commerciales ou à la manipulation des données personnelles.

 

L’éducation est la meilleure façon de répondre à ces menaces qui guettent tout jeune utilisateur naviguant dans le monde numérique. A travers l’éducation aux médias, il est ainsi essentiel pour les parents et les encadrants de transmettre aux jeunes les bonnes pratiques permettant de rester hors de danger sur internet.

 

Il s’agit notamment d’une gestion appropriée de son identité numérique en ligne, à travers le paramétrage de ses réseaux sociaux ou la protection de ses données personnelles. La sensibilisation au civisme en ligne est également importante : respecter la vie privée d’autrui, réfléchir avant de publier un contenu, respecter le droit à l’image de ses camarades… Autant de règles de base essentielles pour prévenir des dérives comme le cyberharcèlement.

 

 

Sensibiliser les jeunes aux bulles de filtres

Les plateformes numériques telles que Google et Facebook utilisent des algorithmes pour nous proposer des contenus en fonction de notre comportement utilisateur, c’est à dire de nos interactions passées (cliques, likes, achats, historique de navigation). A travers les algorithmes, les entreprises du numérique nous proposent une navigation personnalisée, basée sur une analyse prédictive qui vise à devancer nos attentes. Pour les géants du web, l’objectif est d’influencer nos comportements dans un but commercial.

 

L’influence des algorithmes est loin d’être anodine. Elle confronte les internautes et consommateurs que nous sommes – et en particulier les plus jeunes – à la problématique des bulles de filtres. Il s’agit del’état dans lequel se trouve un internaute lorsque les informations auxquelles il accède sur Internet sont le résultat d’une personnalisation mise en place à son insu”. Le terme de « bulle de filtres » renvoie à l’isolement produit par ce mécanisme : chaque internaute accède à une version différente et unique du web. Il risque alors de demeurer enfermé dans un univers numérique étroit poussant en boucle toujours les mêmes types de contenus. Cet enfermement algorithmique appauvrit considérablement les sources d’information, entraîne une baisse de l’attention et érode l’exercice d’un esprit critique. L’utilisateur est alors privé de l’ouverture théorique promise par internet, et ne bénéficie plus d’une confrontation à la pluralité des idées et des opinions, un élément pourtant au coeur du développement intellectuel.

 

C’est pourquoi l’éducation aux médias doit permettre de sensibiliser le citoyen aux enjeux des dangers de l’enfermement algorithmique. Comprendre sa mécanique, représente une étape essentielle pour s’en défaire et enrichir ses sources. C’est là une condition majeure pour qu’internet puisse être à la hauteur de sa promesse initiale d’émancipation et de liberté.

CHAPITRE 5 – DES MÉDIAS TRADITIONNELS AUX NOUVEAUX MÉDIAS

Les médias traditionnels

Les médias traditionnels sont les médias qui étaient établis avant internet ; Il s’agit de la radio, de la télévision et de la presse écrite au format papier. A partir des années 1990 et avec l’arrivée du numérique, les méthodes de « consommation/diffusion de l’information » ont évolué, amenant ces médias traditionnels à adapter leurs contenus pour rester au plus près de leurs publics et tout simplement survivre. De ce fait, la presse écrite, la radio et la télévision se renouvellent structurellement en proposant des versions « online » mais aussi des versions adaptées aux smartphones et aux tablettes.

 

Malgré ces nouvelles manières d’informer, notons que l’objet des médias traditionnels reste le même : diffuser une même information à un large ensemble de personnes au même moment. C’est au récepteur de l’information que revient le choix de porter une attention particulière ou pas à l’information qui lui est adressée.

 

Ces médias traditionnels et historiques, qui se caractérisent par une pratique professionnelle du journalisme, et une certaine rigidité dans leurs formats (contraintes éditoriales, périodicité) ont pour principal atout leur réputation. Ils restent aujourd’hui considérés comme une source d’information fiable, surtout face à l’émergence de la diffusion d’actualités via les réseaux sociaux.

 

 

Les médias sociaux

A partir de 2004, de nouveaux acteurs médiatiques apparaissent et entrent en concurrence avec les médias traditionnels : les médias sociaux (new media). Il s’agit des plateformes numériques dont le contenu est généré par les utilisateurs, et où le principe d’interaction entre les différents internautes est primordial. Cette logique de collaboration est propre au web 2.0 : autrefois spectateurs des pages web, les internautes en sont désormais acteurs. Parmi les médias sociaux les plus importants aujourd’hui on retrouve : Facebook, Youtube, Instagram, Twitter, Pinterest, Snapchat er Linkedin.

Les médias sociaux, qui deviennent l’une des principales sources d’information du public, en particulier chez les jeunes, se distinguent par des caractéristiques spécifiques qui transforment en profondeur l’environnement médiatique.

 

Ces plateformes favorisent tout d’abord l’interaction : désormais, les programmes d’information sont imaginés pour être commentés sur les réseaux sociaux et notamment sur Twitter, qui favorise l’échange des idées et la réflexion.
Les médias sociaux portent également en eux le pouvoir de l’instantanéité. Aujourd’hui, avec des outils comme le “LiveTweet”, l’utilisateur peut suivre un événement en direct sans y assister. Il sait ce qui s’est passé bien avant les images du journal de 20 heures.

 

Les médias sociaux ont également brisé le monopole de la fabrique de l’information autrefois détenu par les médias traditionnels. Grâce aux plateforme comme Facebook, tout le monde peut être témoin d’un événement et le partager avec le monde entier dans la seconde qui suit. Cette pratique a donné naissance au “journalisme citoyen”, qui fait de chaque utilisateur des médias sociaux un producteur d’information en puissance.

 

 

L’information à l’ère numérique : risques et opportunités

L’émergence des nouvelles formes numériques de l’information (nouvelles en ligne, blogs, Wikipedia, YouTube, réseaux sociaux, etc.) favorise un accès plus large aux connaissances, à la liberté d’expression et à la participation citoyenne. On observe aujourd’hui que la coexistence de médias imprimés, audiovisuels et en ligne via de multiples supports permet d’élargir l’accès à l’information et de créer une culture participative où les citoyens ne ne se contentent pas simplement de consommer de l’information mais contribuent activement à sa production et à sa diffusion.

 

Le principal risque de ce paysage médiatique renouvelé est la désinformation. En effet, l’utilisation massive des réseaux sociaux entraîne une réflexion sur la véracité de l’information. Quelle est la crédibilité d’un individu à se prononcer sur un sujet ? Ne risque t-il pas de contribuer à entretenir la confusion autour de la problématique des fake news, et de rendre plus difficile encore de discerner le vrai du faux sur internet ? Dans cette perspective, le journalisme “classique” conserve toute sa pertinence. Sa mission de sélection, d’analyse et de décryptage de l’information demeure primordiale.

CHAPITRE 2 – OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DE LA FORMATION

DÉFINITION DE L’ÉDUCATION AUX MÉDIAS

Selon la définition consacrée par l’UNESCO, l’éducation aux médias a pour finalité de rendre chaque citoyen actif, autonome et critique envers tout document ou dispositif médiatique dont il est destinataire ou usager. Cette discipline concerne tous les médias imprimés, audiovisuels ou électroniques, quels que soient leurs supports technologiques (presse écrite, radio, cinéma, TV, médias en ligne, réseaux sociaux, plateformes numériques). Elle ne se limite à aucun genre médiatique et couvre par conséquent tout l’éventail des communications: informatives, persuasives, divertissantes ou conviviales.

 

Toujours selon l’UNESCO, l’éducation aux médias doit permettre à chaque citoyen de s’approprier les langages médiatiques et se former aux outils d’interprétation, d’expression et de communication par les médias. En ce sens, l’éducation aux médias prépare les individus à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique.

 

Ainsi, il apparaît que l’éducation aux médias est intimement liée à l’éducation à la citoyenneté. Les usages médiatiques des jeunes – futurs citoyens – conditionnent en effet en grande partie leur rapport à la société, à la liberté d’expression et à la culture. C’est pourquoi l’éducation aux médias permet de questionner les stéréotypes, les pièges du discours, des préjugés ou l’interprétation des messages. In fine, la discipline vise à inspirer fertilement les formateurs et les jeunes dans le développement des compétences clés pour saisir les enjeux contemporains et se positionner comme citoyen actif, critique, créatif et solidaire.

 

Mais c’est peut-être les élèves eux-même qui définissent le mieux l’éducation aux médias. Ainsi, une classe bénéficiaire d’un programme EMI au Lycée Pierre de Coubertin en France, a proposé la synthèse suivante de son apprentissage : « Nous vivons dans une société où l’écho du monde est instantané et bien souvent erroné. Tout va très vite, parfois trop. Du fait de la rapidité de diffusion des réseaux sociaux, le fossé se creuse entre les médias traditionnels et la population. Nous, les jeunes, hyper-connectés, sommes généralement les premiers à recevoir puis relayer l’information. C’est donc nous qui devons apprendre à décoder les médias et les infos. C’est donc nous qu’il faut éduquer aux médias »

 

 

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES DE L’ÉDUCATION AUX MÉDIAS

Les compétences à acquérir par les jeunes

 

L’ UNESCO a définit les 6 compétences clés que chaque jeune doit acquérir grâce à l’éducation aux médias :

  1. Comprendre le travail des journalistes et le fonctionnement des médias
  2. Savoir accéder à une information fiable et identifier ses sources
  3. Développer son esprit critique et sa capacité à décrypter l’information
  4. Se prémunir contre les fausses nouvelles, le complotisme et les discours de haine
  5. Maîtriser les outils numériques de façon raisonnée et responsable
  6. Comprendre les enjeux de société pour faire des choix démocratiques éclairés

 

 

Les compétences à acquérir par les formateurs

La formation des formateurs à l’éducation aux médias, vise, par conséquent, les objectifs pédagogiques suivants :

  1. Comprendre comment l’EMI peut permettre aux citoyens de devenir plus actifs, autonomes et critiques vis à vis des médias et aux autres supports de communication auxquels ils sont exposés
  2. Comprendre comment l’EMI permet de questionner les stéréotypes, les pièges du discours, des préjugés ou l’interprétation des messages.
  3. Assimiler le fait que l’EMI peut inspirer les jeunes d’horizons divers à saisir les enjeux contemporains et leur permettre de se positionner comme citoyens actifs, critiques, créatifs et solidaires
  4. Comprendre l’évolution du paysage médiatique, de savoir aborder la question des médias avec les jeunes et savoir sensibiliser à l’usage responsable et éclairé des “nouveaux médias”
  5. Acquérir les connaissances pédagogiques nécessaires pour pratiquer l’EMI (lignes directrices, concepts clés et évolution de la discipline) en s’adaptant au public jeune en particulier
  6. Déployer des activités pratiques engageantes spécifiques à l’EMI, afin de faciliter l’acquisition des compétences par les jeunes et le développement d’exercices positifs sur le développement de l’expression citoyenne (campagnes médiatiques en ligne par exemple)

CHAPITRE 14 – LA CITOYENNETÉ NUMÉRIQUE

Qu’est-ce que la citoyenneté numérique ?

Difficile voire impossible de se passer d’internet aujourd’hui aussi bien dans notre vie professionnelle que personnelle. Si internet est partout, il convient d’apprendre à l’utiliser de la meilleure manière possible, et cela passe par un plus grand contrôle et une meilleure compréhension de notre vie numérique.

 

Définition : La citoyenneté numérique désigne la façon dont les internautes se comportent et interagissent en ligne. Il s’agit essentiellement du comportement que nous adoptons lors de nos échanges en ligne avec les autres utilisateurs sur des sujets sensibles à caractère social ou politique. Les droits et les devoirs que nous avons dans la vie réelle sont identiques sur Internet. Notre comportement et nos interactions définissent aussi la façon dont les autres nous perçoivent sur Internet. Toutefois, la façon dont nous interagissons en ligne ne se limite pas à notre comportement ou à nos publications, cela concerne également la façon dont nous protégeons notre vie privée, qu’il s’agisse de nos mots de passe, de notre localisation ou de notre passé en ligne.

 

Ainsi la citoyenneté numérique nous invite aussi à avoir un regard critique sur notre rapport à internet et sur notre manière de s’en servir, et notamment au regard des informations personnelles que l’on partage, parfois sans le savoir.

 

 

Les bonnes pratiques numériques

Définition : Le terme de “bonne pratiques” fait à la fois référence à la façon dont nous devrions nous comporter pour faire d’internet un espace de liberté et de respect mutuel mais aussi aux règles que les sites et applications nous imposent de respecter. En effet de nombreux sites et services Web imposent des règles qui définissent la conduite à tenir et le droit des utilisateurs.

 

Exemple : L’application web Twitter, propose plusieurs conseils pour l’utilisation de ses outils : “Pensez à ce que vous tweetez : C’est vous qui contrôlez le contenu partagé sur Twitter ou tout autre site Web. Ne publiez jamais d’informations considérées comme confidentielles, et pesez le pour et le contre avant de partager publiquement votre localisation. Méfiez‑vous des communications qui vous demandent vos coordonnées, données personnelles ou mots de passe. Si vous avez un doute avant de tweeter, nous vous conseillons de vous poser les questions suivantes : Avec qui mes informations sont‑elles partagées ? Quel type et quelle quantité d’informations suis‑je sur le point de partager ? À combien d’utilisateurs mes informations sont‑elles accessibles ? Puis‑je me fier à l’ensemble des personnes qui disposent d’un accès à ces informations ?”

 

Mais l’application impose aussi certaines règles essentielles :

 

Violence : il est interdit de menacer de recourir à la violence contre une personne ou un groupe de personnes. Nous interdisons également toute apologie de la violence. Conduite haineuse : il est interdit de menacer d’autres personnes, de les harceler et d’inciter à la violence envers elles sur la base de critères de race, d’origine ethnique, de nationalité, de caste, d’orientation sexuelle, de sexe, d’identité sexuelle, d’appartenance religieuse, d’âge, de handicap ou de maladie grave.”

 

Il est donc utile de rappeler le plus souvent possible que nos comportements virtuels ont un impact réel sur les individus, et que le harcèlement en ligne par exemple peut conduire à des tragédies dans la vie réelle.

 

D’autre part, internet représente aujourd’hui un véritable instrument pour les citoyens. Il rend possible une citoyenneté mieux informée et une démocratie plus participative, ainsi qu’un accès à l’information beaucoup plus fluide. C’est un instrument qui permet le débat d’idées, la communication, et qui peut être utilisé pour dénoncer des dangers ou des risques pour toute la société, comme dans le cas des « lanceurs d’alerte » qui utilisent internet pour dénoncer la corruption ou des atteintes aux libertés (voir le film/documentaire “Citizenfour” de 2014 sur l’affaire Snowden).

 

Garder une empreinte numérique et un esprit positif

Définition : L’empreinte numérique est l’ensemble des informations qui existent sur Internet suite à notre activité en ligne. C’est une image de nous, construite à partir de notre comportement, de nos publications et de nos choix personnels.

 

Il est donc important de garder autant que possible une empreinte numérique positive ! On peut rédiger un blog sur un sujet spécifique, partager les talents ou filmer un tutoriel vidéo, récolter de l’argent pour une œuvre caritative ou participer à l’organisation d’événements. La liste des solutions pour transformer notre empreinte numérique de façon positive est infinie !

CHAPITRE 13 – POUR UN USAGE CITOYEN DES MÉDIAS

Qu’est-ce qu’un média citoyen ?

Définition : Dans « média citoyen » on trouve les mots « média » et « citoyen ». En effet, il s’agit de médias, c’est-à-dire de supports (radio, TV, internet, etc.) à travers lequel on véhicule des informations à un large public. Parallèlement, on emploie l’adjectif « citoyen », puisque les auteurs de ces articles et de ces enquêtes ne sont pas des journalistes professionnels mais des citoyens lambda qui ont comme but d’animer des débats sur des questions spécifiques ou de problèmes concernant la société toute entière.

 

Par conséquent, le lecteur abandonne sa posture purement passive et s’implique dans la construction et la diffusion de l’information. La participation est donc un élément très important dans les médias citoyens. A travers des radios (en ligne ou pas) mais aussi des blogs, des vlogs (blog dont le principal outil est la vidéo), des podcasts, etc.. Ainsi de simples citoyens, des chercheurs ou des professionnels du monde associatif peuvent prendre la parole et toucher un public vaste.

 

Exemple : En Albanie, le blog comme engagement citoyen : créé en 2007, par Ardian Vehbiu, le blog “Peizazhe të Fjalës” (Paysage de la parole), se présente comme un espace à part et indépendant, un modèle durable dans un paysage médiatique albanais confronté à des transformations rapides, à la réduction progressive des ressources financières, à une baisse de crédibilité et à une politisation importante. D’après son auteur, “Le blog s’est voulu dès le départ comme un « sanctuaire » de la libre pensée albanaise, protégée des intimidations, culpabilisations, humiliations, stigmatisations, procès, réquisitoires, « assourdissements de la majorité » et autres formes contemporaines de censure dans le discours public”.

 

 

L’engagement via les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ont également transformé la circulation de l’information, traditionnellement verticale et descendante en une transmission plus horizontale. Chacun peut produire du contenu et le diffuser au sein de son propre réseau mais aussi en dehors de ce dernier. Cette prise de parole n’est pas simplement virtuelle, mais se fait souvent en parallèle ou en amont des mobilisations concrètes sur le terrain. Dans le cadre des révolutions arabes, par exemple, les réseaux sociaux ont joué un rôle indéniable, mais les changements politiques se sont produits grâce aux mouvements sociaux (manifestations, blocages, etc.). Les réseaux sociaux permettent une rapide circulation de l’information et des idées, mais les changements à l’échelle sociale se produisent lorsque cet engagement rencontre la réalité physique du terrain.

 

Exemple : En Serbie, le cas du mouvement #1of5million apparu fin 2018 a su tirer profit des nouvelles technologies et des moyens de communication modernes en mobilisant les citoyens grâce au partage de contenus en ligne et aux échanges d’informations via les réseaux sociaux. Ainsi le mouvement a rapidement acquis un vaste public et Twitter et Facebook ont permis la création de groupes de débat et la mobilisation des masses de personne contre les dérives autoritaires du système politique et pour la liberté d’expression.

 

 

Risques et pièges

Il faut garder en tête que le journalisme est un métier qui implique des compétences spécifiques ainsi que le respect de la déontologie. Pourtant chacun peut se former au journalisme, notamment grâce aux dialogues entre les journalistes professionnels et les amateurs. Ce partage de connaissances permet de faire en sorte que les médias citoyens deviennent de vraies sources alternatives et fiables.

 

La facilité avec laquelle, aujourd’hui, chacun peut assumer le rôle de journaliste amateur, expose aussi à quelques risques. Des producteurs d’information peuvent parfois ignorer les normes fondamentales de la déontologie journalistique et diffuser des informations incorrectes voire, parfois, complètement manipulées.

 

Média citoyen, chaîne de télévisions, presse écrite ou encore réseaux sociaux, la quantité et la variété d’informations disponibles aujourd’hui sont plus que jamais une richesse qui demande de conserver un esprit critique à l’égard de toutes ces sources d’informations.

 

En outre, internet est un espace de liberté mais aussi un espace d’échanges économiques. Les logiques de marketing envahissent à la fois internet et les réseaux sociaux, et l’information devient aussi une source de profit.

 

La circulation de certaines informations (notamment celles qui ont un impact émotionnel sur les lecteurs) peut être aussi une source de profit dans un système financé par les annonceurs et la publicité. Ce phénomène de “ClickBait” (appât à cliques) s’observe de plus en plus et incite les internautes à cliquer sur un lien et à visiter un site internet pour lire un article. L’auteur de l’article et du site en question est en fait rémunéré par la publicité disponible sur son site et par rapport au nombre de vues qu’il accumule. Cela représente aussi une source de risque car de fausses croyances peuvent se diffuser dans le but d’attirer les internautes.

CHAPITRE 12 – SENSIBILISER CONTRE LA HAINE EN LIGNE

Théories du complot

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un phénomène réellement nouveau, les théories du complot connaissent depuis quelques années un fort succès, notamment à travers leur diffusion sur les réseau sociaux et plus largement sur internet.

 

Définition : Une théorie du complot est un récit ou discours théorique qui semble cohérent et « logique », et qui cherche à démontrer, à révéler l’existence d’un petit groupe de gens puissants qui planifient en secret des actions illégales et/ou néfastes affectant le cours des événements ou cherchant à dominer le monde.

 

La théorie du complot se distingue de la fausse information dans le sens où elle relève d’un ensemble structuré d’hypothèses et d’arguments manipulés pour alimenter une théorie en particulier. La fausse information sert parfois l’argumentaire complotiste, mais elle n’est pas toujours en lien avec une théorie.

 

Les médias et les fausses informations jouent cependant un rôle crucial dans l’ampleur du phénomène. D’une part la méfiance, voire la défiance envers les médias amplifie la croyance et le crédit accordé aux théories du complot, d’autant plus dans les pays où les médias sont perçus comme corrompus ou à la botte du système politique. Et d’autre part, les fausses informations utilisent les mêmes mécanismes que les théories du complot (utilisation de la peur, manipulation des faits etc.), et portent souvent sur les mêmes sujets.

 

Quelques exemples de théories du complot les plus connues :

 

– Les Illuminati serait une société secrète dont feraient partie les personnalités les plus puissantes de ce monde

– La terre ne serait pas ronde mais plate

– L’homme ne seraient jamais allé sur la lune

– La Yougoslavie a éclaté à cause d’un complot entre l’Allemagne et le Vatican. Il existe aussi des théories du complots plus ponctuelles comme celles sur la 5G, le coronavirus ou les vaccins.

 

 

Discours de haine et modération des contenus haineux

Les Théories du complot sont un élément central dans notre rapport à l’information et à la société. Elles sont à mi-chemin entre les préjugés, les considérations politiques, les croyances, et elles peuvent également être intimement liées à des discours de haine. Ainsi, leur diffusion peut rapidement créer un environnement conflictuel. C’est par exemple le cas des théories du complot sur un complot Juif à l’échelle mondiale.

 

Définition : Lorsque que l’on parle de discours de haine, on fait référence à une expression de la haine qui peut être incarnée par une phrase, un texte, un son ou une image exprimant un rejet de l’autre, et qui pourra heurter, encourageant ainsi à développer un sentiment de haine. Lorsque cette expression de la haine est rendue publique, cela peut également inciter les témoins de cette expression, à éprouver de la haine pour les uns ou pour les autres, à choisir un camp, et inciter parfois à exprimer à nouveau de la haine avec un niveau de violence similaire ou aggravé par l’effet de groupe. On parle alors d’incitation à la haine.

 

Basée sur des stéréotypes ou des fausses croyances, ces contenus, couplés à l’absence d’esprit critique, mènent à des discours de rupture et à de la violence, en mettant en avant l’existence d’une communauté bouc émissaire, responsable et coupable et nourrissant alors les amalgames et un sentiment de paranoïa.

 

Exemple : Les populations issues de la communauté Rom sont souvent visées par la discrimination et les préjugés les décrivants comme malhonnêtes ou voleurs, les empêchant ainsi d’accéder à des emplois qualifiés. Les Roms sont deux fois plus exposés au chômage que les autres habitants, et ils sont encore nombreux à vivre dans des zones où les logements ne disposent pas d’eau courante.

 

Modérer certains contenus trop haineux, notamment sur les réseaux sociaux, tout en proposant une éducation à la citoyenneté et aux médias et au numérique plus inclusifs peut permettre de limiter cette pente glissante qui mène à la violence physique ou morale.

 

Définition : La modération consiste à supprimer, censurer ou même punir les auteurs de contenus haineux afin de prévenir leur diffusion. Il peut s’agir d’un commentaire violent sous une publication, un partage d’article, de vidéo, de photo ou d’infographie stigmatisant telle ou telle catégorie de personnes, ou encore d’un échange privé par email ou par messagerie instantanée.

 

 

Lutter contre le conspirationnisme

Définition : Le conspirationnisme désigne la tendance à présenter abusivement les évènements ou les phénomènes comme étant la conséquence d’un complot organisé. C’est un mode de pensée ou une attitude qui nie les explications habituellement admises des faits pour les remplacer par l’existence d’une conspiration ayant un objectif inavoué et obscur.

 

Les conséquences du conspirationnisme :

 

  • Génère des discours de haine
  • Crée de l’adhésion à des théories non prouvées
  • Enferme dans une logique de méfiance et de fausse croyance, limitant ainsi les débats d’idées.
  • Peut rendre plus difficiles les démarches de contre-pouvoir tentant de mettre au jour les vraies malversations politiques ou les conflits d’intérêt qui peuvent exister.

 

Les moyens pour limiter le conspirationnisme :

 

  1. Par la régulation et la limitation des contenus haineux et des fausses informations (fact-checking, responsabilité des plateformes de réseaux sociaux etc.).
  2. En développant l’esprit critique des citoyens par l’éducation aux médias et à l’information afin :
  • D’interroger la démarche complotiste : Les preuves sont-elles vraiment suffisantes ?
  • D’encourager la prudence pour devenir et rester des citoyens vigilants (Ne pas confondre prudence et méfiance et ne pas confondre doute et suspicion.)
  • De canaliser la critique et permettre de mieux s’informer grâce à une démarche logique et vérifiable – Et enfin prendre du recul sur le monde qui nous entoure.

CHAPITRE 11 – LES RÉCITS DANS L’IMAGINAIRE COLLECTIF DES BALKANS

MYTHES DANS LES DISCOURS POLITIQUES

Typologie et fonction des mythes

 

Définition : Le mythe est une construction imaginaire qui sert d’explication, de fondation à certaines pratiques sociales, et représente un facteur de mobilisation. Mais c’est aussi un mode particulier de discours, semblable au rêve et à la légende. D’après l’historien français Raoul Girardet, la place occupée par l’imaginaire dans l’histoire des idées politiques est importante, car il explique parfois la puissante attirance qu’ont exercé certains systèmes politiques dénués de fondement religieux.

 

Les jeunes républiques post-yougoslaves sont toutes concernées par la question de la diffusion de mythes nationaux et des symboles destinés à créer un sentiment commun d’appartenance à la nation ou à la communauté. L’historien Raoul Girardet propose quatre thèmes récurrents que l’on retrouve dans la plupart des mythes et qui montrent l’importance fondamentale de l’imaginaire dans l’évolution des idées politiques et de la société :

 

  • Le mythe de l’unité : C’est l’exaltation de la patrie, du collectif et de la communauté, représenté par un seul groupe d’individus semblables (renforcement de la logique d’opposition : eux/nous)
  • Le mythe du sauveur : Il s’agit de mettre en avant la figure du héros, du guide à qui l’on s’identifie comme un modèle et qui procure une légitimité.
  • Le mythe de l’âge d’or : C’est l’idéalisation de l’ancien temps, la nostalgie d’une époque et l’attachement à des éléments du passé pour chercher une stabilité présente et future.
  • Le mythe du complot / de la conspiration : Il s’agit de la désignation de coupable extérieur, la mise en avant de la figure de l’ennemi responsable des malheures de la communauté et qui incite les individus à se mobiliser contre ce dernier.

 

Les mythes et leur utilisation politique apparaissent généralement dans les périodes critiques, dans les moments de crise d’identité ou de malaise lié aux mutations de la société et du mode de vie. C’est lorsque les tensions internes croissent que le mythe devient nécessaire, l’imaginaire réagissant alors à des changements, des pertes de repères ou des remises en question des traditions. Ces mythes ont donc une fonction politique claire : mobiliser la population autour d’une histoire et de repères communs.

 

De la même manière qu’une image peut résumer un concept ou un événement, le mythe nourrit l’imaginaire des individus. Ce phénomène peut s’intensifier selon les groupes de personne, notamment chez les jeunes en quête d’identité, ou d’explications sur le monde qui les entoure, ou encore confrontés à un avenir incertain.

 

 

EXEMPLES DE MYTHES IMPORTANTS DANS LA RÉGION DES BALKANS

Dans toutes les cultures il existe des mythes variés et tous n’ont pas la même fonction, mais la richesse culturelle des Balkans permet le développement et la diffusion de nombreux mythes propres à la région.

 

Exemple : “Les descendants d’Alexandre le Grand”

 

En Macédoine du Nord, le mythe selon lequel les macédoniens seraient les héritiers d’Alexandre le Grand est très répandu alors même qu’il est impossible de faire coïncider le territoire de la Macédoine contemporaine avec celle de l’époque, ou même de trouver une filiation entre les populations qui habitaient autrefois ces terres et celles qui les peuplent de nos jours. Si la Macédoine du Nord chevauche en partie les régions que contrôlait Philippe II à sa mort, en 336 avant J.C, le coeur du royaume d’Alexandre le Grand se trouve principalement en Grèce près de Vergina. De plus, les citoyens des pays des Balkans d’aujourd’hui sont le résultat de brassages complexes, alimentés par les invasions et migrations successives qui ont balayé la région depuis plus de deux millénaires.

 

Ces mythes alimentent pourtant les discours des courants nationalistes contemporains des Balkans, qui cherchent à affirmer l’antériorité de leur peuple sur un territoire donné, afin de prouver la légitimité de leurs prétentions.

 

La diffusion d’un mythe peut alors contribuer à crisper les relations entre des communautés ou des peuples dans la région. En effet la question de l’héritage macédonien d’Alexandre le Grand a ravivé des tensions entre la Grèce et la Macédoine du Nord lors des débats sur le changement du nom du pays en 2018. Les courants nationalistes Grecs, estimant que le terme de « Macédoine » appartient au patrimoine hellénique, refusaient que l’ancienne république yougoslave puisse utiliser ce nom. Ce qui a donné lieu à plusieurs manifestations violentes dans les deux pays.

 

Exemple : Le mythe de la « fraternité orthodoxe »

 

En Serbie, au Monténégro et en Macédoine du Nord, un lien fort avec la Russie subsiste dans l’esprit de beaucoup d’habitants, alimenté par le sentiment qu’une « fraternité orthodoxe » les unirait particulièrement à ce pays. Selon une étude menée fin 2017 par le gouvernement serbe, un quart des habitants (24%) désignent la Russie comme principal donateur (aide financière et dons matériels) à leur pays, alors que 75% des dons et des aides viennent de l’Union Européenne ou de pays membres. De même, plus de 70% des investissements étrangers entre 2010 et 2017 sont venus de l’UE, contre quelques 10% de Russie, selon les chiffres de la Banque nationale serbe.

 

Ce mythe se base donc sur une relation plus émotionnelle que rationnelle qui perdure, entretenue par certains responsables politiques, comme le président serbe Aleksandar Vučić ou Milorad Dodik de Republika Srpska.

 

Pour limiter leur impact négatif, la déconstruction des mythes passe nécessairement par un travail de recherche et d’approfondissement historique et/ou journalistique. Cependant il n’est pas toujours facile de procéder à un travail de recherche sur des sujets encore sensibles pour les individus et pour les gouvernements des différents pays impliqués. Le manque de moyen des journalistes, le manque d’intérêt pour la recherche historique dans les médias et la rapide diffusion des théories du complot sur internet peuvent ralentir l’avancée de la recherche et la déconstruction de certains mythes persistants.

 

A ce titre l’association “Krokodil” a lancé une initiative en juin 2020 à Belgrade contre l’instrumentalisation de l’histoire à des fins politiques. Le but étant de créer un espace de dialogue historique et interculturel dans les pays nés de l’éclatement de la Yougoslavie, et d’encourager une culture plus inclusive de la mémoire.

 

Enfin, certains canaux de diffusion d’information peuvent servir à contourner cette problématique de l’étude historique et du peu d’importance des médias pour cette thématique sérieuse, comme c’est le cas avec le cinéma.

 

 

LE CINÉMA : ENTRE EXPRESSION CITOYENNE ET VECTEUR DE MYTHE

La promotion des mythes nationaux est parfois conduite aussi à travers le cinéma, qui y trouve une source d’inspiration et s’assure un impact important sur l’imaginaire des individus. En effet, à moins d’avoir une culture historique importante et spécifique sur le sujet en question, il est parfois difficile de juger de la véracité des événements mis en scène dans une oeuvre cinématographique. Aussi il n’est pas rare que certains films proposent une lecture biaisée des événements, voire alimentent et propagent certains mythes, légendes et idées reçues.

 

Exemple : Fin 2017, la RTS (télévision nationale serbe), produit et diffuse la série Senke nad Balkanom (« Ombres sur les Balkans »), du réalisateur Dragan Bjelogrlić. L’action se déroule à Belgrade, capitale du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, puis du Royaume de Yougoslavie, dans les années 1920-1930. Cette série présente cette période comme un âge d’or pour le pays. On a déjà pu voir l’adaptation pour la télévision de la trilogie de Mir-Jam, (Ranjeni orao, Nepobedivo srce, Samac u braku), entre 2008 et 2014, et du film qui a donné lieu à une série, Montevideo, Bog te video (2012-2014), sagas qui abordent cette même période de l’histoire nationale avec nostalgie.

 

Cependant, le cinéma peut aussi être utilisé comme un instrument puissant de déconstruction et comme un mode d’expression de la société civile permettant d’aborder d’importants enjeux de société et d’actualité.

 

Exemple : Le court métrage “Take me somewhere nice” sorti en 2019 et réalisé par Ena Sendijarević une jeune réalisatrice d’origine bosnienne, met en scène une jeune femme bosnienne installée aux Pays-Bas avec sa famille qui retourne dans son pays natal. Cette oeuvre aborde donc la question de l’immigration, de l’interculturalité, du nationalisme et d’un retour aux racines parfois compliqué pour les jeunes générations.

 

Exemple : Le film « Before the Rain » du réalisateur macédonien Milcho Manchevski qui a obtenu le lion d’or au festival de Venise en 1994, évoque la question de la guerre et des tensions ethniques entre Macédoniens et Albanais.

CHAPITRE 10 – L’IMAGE ET SES RISQUES DE MANIPULATION

La puissance de l’image

“Une image en dit plus qu’un long discours”.

 

Depuis plusieurs décennie, l’utilisation de l’image à pris une place importante dans nos sociétés, que ce soit avec la télévision, dans les médias, la publicité ou plus directement dans nos vies avec l’utilisation fréquente des réseaux sociaux. En effet, avec l’image il y a cette idée que c’est la réalité qui se reflète et qui s’offre d’un seul coup presque immédiatement, plus vite qu’un texte ou qu’une parole. Ainsi, ce mode de communication ou d’expression possède une forte puissance symbolique puisqu’elle peut résumer beaucoup de chose en très peu de contenu.

 

Une force à double tranchant

 

Cependant cette forte puissance symbolique n’est pas sans défaut, et la tendance à penser qu’une image parle d’elle même est un piège qu’il faut éviter car l’image peut facilement tromper nos sens et peut donc être utilisée pour nous induire en erreur ou nous manipuler. Par exemple Il est tout à fait possible de donner plusieurs interprétations à une même image.

 

Avec la force des réseaux sociaux et d’internet une image, une photographie ou une vidéo peut devenir virale et mondiale. D’un côté cette viralité peut être une bonne chose lorsque la diffusion d’une image permet de réveiller les consciences comme la photo d’un jeune couple serbo-croate s’embrassant fièrement avec leur drapeau respectif sur le dos qui a été largement diffusée sur les réseaux sociaux. Mais en même temps cela implique de devoir faire face parfois à des diffusions massives et rapide de fausses informations voire de théories du complot illustrées ou liées directement à des images ou des vidéos.

 

Fabrication et manipulation d’images

 

Le rôle central de l’image et son impact dans nos sociétés nous aide à comprendre pourquoi les fausses informations les plus efficaces et les plus répandues sont celles qui utilisent le visuel (images, photos, vidéos). Même lorsque la fausse information n’est pas liée directement à une photographie, son auteur cherchera la plupart du temps à illustrer cette fausse information par une image (souvent décontextualisée, ou manipulée).

 

Il existe différents types de manipulations d’images :

 

  • La Décontextualisation : C’est la méthode la plus utilisée car elle est très facile à mettre en oeuvre. Il s’agit d’un procédé qui réinterprète le sens d’une image pour lui faire dire quelque chose d’autre en la sortant du contexte initial. Ainsi les véritables raisons et les circonstances dans lesquelles la photographie a été prise ne comptent plus. L’objectif est de chercher à illustrer un propos et de ne s’arrêter qu’à l’aspect premier de l’image en niant son origine, ce qui représente une forme de trahison du sens de l’image.

 

Exemple : Au mois d’août 2020, une image a circulé sur les réseaux sociaux prétendant qu’une antenne 5G avait été installée sur le toit du minaret d’une mosquée en Bosnie-Herzégovine. Il s’agit en réalité d’une simple photo du minaret en question mais les commentaires liés à l’image déclarent qu’une antenne 5G s’y trouve et émet de forts rayonnements d’onde magnétique, alors même que la 5G n’est pas encore installée dans le pays.

 

  • Le Trucage ou Montage Photo : Cette méthode implique une modification artificielle de l’image ou de la photographie d’origine dans le but de modifier son sens. Il peut s’agir :
     

    • D’un objet ou d’une personne ajoutée ou enlevée sur une photographie ou une vidéo.

 

Exemple : Suite à l’explosion sur le port de Beyrouth en août 2020, des images modifiées ont circulées sur internet sur lesquelles un missile a été ajouté grâce un logiciel vidéo, suggérant ainsi que l’explosion était une attaque militaire d’un pays étranger, notamment Israël.

 

    • Ou d’un recadrage afin de cacher une partie de la photographie, comme par exemple lors d’un meeting ou d’une manifestation : il est possible de couper la partie de l’image où il n’y a personne pour donner l’impression que l’espace était rempli.

 

  • Le Deepfake : Il s’agit d’une technique de trucage qui utilise un logiciel d’intelligence artificielle pour remplacer le visage d’une personne sur une vidéo. Il existe par exemple une vidéo d’un faux discours de Barack Obama dans lequel il insulte son successeur Donald Trump. Ce trucage a été réalisé grâce à la technique du “DeepFake”. Avec les nouvelles avancées technologiques, il deviendra de plus en plus difficile de repérer les images truquées ou retouchées et avec l’apparition de nouvelles méthodes de manipulation vidéo, il faudra redoubler de prudence et vérifier ses sources.

 

Fausses informations et réseaux sociaux : deux enjeux liés

 

Le partage d’image et de vidéo est pour la grande majorité de ces réseaux au coeur même de leur fonctionnement (Facebook, Instagram, Snapchat). De ce point de vue, le danger est alors double puisque d’une part il est possible pour n’importe quel individu de publier/partager des images à un large public sur les réseaux, et d’autre part la manipulation d’images ne demande aucune compétence technique particulière (comme pour la photo de l’antenne 5G sur le minaret en Bosnie Herzégovine).

 

Dessins de presse et caricatures

Cette puissance symbolique de l’image, la presse l’utilise depuis longtemps pour faire passer ses messages. Alors même que la photographie n’existait pas encore, l’utilisation de l’image comme forme critique dans la presse se faisait par le dessin, et notamment avec la caricature. Il est intéressant de constater qu’aujourd’hui encore, malgré l’utilisation très répandue de l’image et de la photographie, on utilise toujours la caricature dans la presse et cette technique est même devenue un métier et un art à part entière.

 

Définition : Un mode d’expression symbolique produisant la synthèse d’un concept, d’une problématique ou d’un fait d’actualité en exagérant les traits ou les aspects d’une personne ou d’un phénomène. Le plus souvent la caricature utilise le ton de l’humour afin de dénoncer et de critiquer.

 

Exemple : En Serbie, en novembre 2018, les caricatures des célébres dessinateurs Predrag Koraksić Corax et Dušan Petričić ont fait l’objet de polémique obligeant la bibliothèque de Lazaravac à décrocher leurs dessins. Ces derniers étant très engagés dans la défense de la liberté d’expression, une exposition de leurs dessins de presse et caricatures a été inaugurée le 22 novembre à la mairie de Stari grad, à Belgrade.

 

La caricature est une thématique intéressante au regard de l’utilisation de l’image et de ses impacts mais c’est aussi un outil peu investi par les jeunes. De par sa portée symbolique et du fait qu’elle soit liée à un contexte ou à un sujet spécifiques, traiter le sujet avec les jeunes nécessite souvent un travail de contextualisation afin de donner les clés de compréhension des enjeux/sujets mobilisés par la caricature .