TALMIL

FAKE NEWS & HISTOIRE

DÉFINITION

La notion d’’histoire officielle, qui met en jeu les fondements mêmes de l’historiographie, est liée avec le concept de manipulation des faits, et donc avec les “fausses nouvelles”.

 

L’histoire officielle, en tant que « mémoire collective » ou « mémoire nationale », est le récit historique sur lequel une nation se forge son passé. Cette histoire officielle navigue entre les faits, le mensonge et le mythe. Selon Pierre Nora, deux vecteurs contribuent à l’émergence d’une histoire officielle : les programmes d’enseignement scolaire et les rites politiques (commémorations, monuments, lieux de mémoire, …)2. Si les histoires officielles soudent les nations, elles contribuent aussi à renforcer les mouvements nationalistes belliqueux.

 

Par exemple, l’histoire officielle d’Israël alléguait jusque dans les années 1980 que la création de l’Etat Juif en 1948 était le fruit d’une guerre héroïque de David (la communauté juive) contre Goliath (les communautés arabes). Cette version officielle a été revisitée par la suite par les nouveaux historiens, qui ont souligné que la réalité historique était beaucoup plus nuancée, et que la guerre de 1948 avait notamment entraînée l’expulsion des populations arabes du territoire.

 

Une autre forme d’interprétation de l’histoire est à mettre en relation avec les fake news : le négationnisme. Cette mouvance idéologique considère que l’histoire de la Shoah ou du génocide arménien ne serait que le résultat d’une doxa fallacieuse qui rapporterait de façon mensongère des événements qui ne se seraient jamais produits. En contestant l’existence même des chambres à gaz, les négationnistes s’inscrivent en port à faux avec la plus grande partie des historiens. C’est d’ailleurs en cela que le négationnisme n’utilise pas la méthode scientifique et que l’on peut plus l’associer à une théorie du complot.

Le négationnisme encore récemment fait la une de l’actualité, tandis que des survivants de l’Holocauste ont appelé Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, à retirer les contenus révisionnistes qui sont partagés sur le réseau social.

 

ILLUSTRATION : LA RHÉTORIQUE HÉGÉMONIQUE DE L’OUEST SUR LES BALKANS

L’historienne Maria Torodova a analysé la découverte des Balkans par les occidentaux et le développement du « balkanisme », et la rhétorique hégémonique de l’Ouest sur son alter ego oriental[1]. La chercheuse démontre que les occidentaux ont développé un “mythe historique”, assimilable à une fausse nouvelle, ou à un discours de haine, qui s’est ancré dans les médias et les esprits de la civilisation occidentale. D’après cette rhétorique initiée par les voyageurs européens depuis la fin du XVIII e siècle, les Balkans seraient totalement « différents », au sens d’exotique, ou bien de « non civilisés » et de « barbare ». Selon cette vision, les populations des Balkans seraient caractérisées par « la cruauté, la brutalité, l’instabilité, l’imprévisibilité »[2].

 

À la suite des guerres balkaniques et de la Première guerre mondiale, c’est ce stéréotype qui a conduit à l’invention du néologisme « balkanisation ». Puis, au cours des années 1990, la guerre en Yougoslavie lui a redonné vie et force. Cette guerre a en effet vu se développer en occident une nouvelle vague de caricatures ou de fausses nouvelles à propos des Balkans, prétendant notamment que les Serbes « jouent au football avec des têtes coupées », selon les mots du ministre de la défense allemand, repris par les médias (Le Monde diplomatique, Avril 2019) ; Les Serbes auraient également incinéré leurs victimes dans des « fourneaux, du genre de ceux utilisés à Auschwitz » (The Daily Mirror, 7 juillet).

 

Une à une, ces fausses informations seront déconstruites — mais après la fin du conflit —, notamment par l’enquête du journaliste américain Daniel Pearl (The Wall Street Journal, 31 décembre 1999).

 

  1. Milica Bakic-Hayden and Robert M. Hayden, « Orientalist Variations on the Theme ‘Balkans’ : Symbolic Geography in Recent Yugoslav Cultural Politics », Slavic Review 51 (Spring 1992), p. 1-15.

  2. Maria Todorova, op. cit., p. 119.